Énée chassant dans les environs de Carthage
Italie, Venise
1522
Papier vergé
Dépôt de Roger Scart, 1948
Inv. D1948.4.13
Cette gravure sur bois est un dépôt de 1948 de la famille Scart, fondatrice du musée. Il s’agit d’une des illustrations d’un post-incunable, c’est-à-dire d’un livre imprimé entre 1501 et les années 1540. Elle a été imprimée le 20 novembre 1522 à Venise par Grégorio De Gregori, un imprimeur libraire, et Giunta Lucantonio, un éditeur.
Cette gravure est inspirée par l’Énéide, un récit de la fondation légendaire de Rome par Énée, écrit par Virgile (70 à 19 av JC). Le héros grec y est décrit de sa fuite de la guerre de Troie jusqu’à la fondation de Rome.
Foisonnante, cette gravure illustre trois épisodes du chant 1 de l’Énéide. Pour faciliter la compréhension de l’œuvre, nous allons prendre les scènes dans l’ordre chronologique.
En premier lieu, la scène est géographiquement située aux abords de Carthage. En effet, la ville est représentée en haut à droite de l’œuvre. Elle est parfaitement identifiée grâce au phylactère portant son nom. Ville fortifiée nouvellement construite, elle est dirigée par Didon et offrira l’hospitalité à Énée et ses compagnons troyens.
Le premier épisode se situe en haut à gauche de l’œuvre où l’on peut voir Mercure, lui aussi identifié par son phylactère et tenant son caducée. Il semble sortir du nuage situé derrière lui grâce à deux paires d’ailes, l’une attachée à son dos et une à ses talons. Cette composition décrit les lignes 297 à 301 du texte de l’Énéide où l’on apprend que Jupiter, voulant protéger Énée et ses compagnons, envoie Mercure à Carthage pour faire en sorte que la ville les accueille de manière bienveillante. Ces derniers accostent donc avec leur flotte non loin de la ville, dans une baie.
La scène principale se retrouve dans la partie basse, à droite. Il s’agit de l’apparition de la déesse Vénus à Énée. Grâce aux phylactères, les personnages sont identifiés. Au centre nous voyons Enée et Achate armé de deux armes d’hast pour Énée et d’un arc pour Achate. En effet, comme l’indiquent les lignes 305 à 313, les deux compagnons décident, après avoir accosté, d’aller explorer la région.
En chemin, ils rencontrent Vénus que l’on voit en bas à droite. La déesse tient un arc sur l’épaule et montre de sa main droite la scène de gauche sur laquelle nous reviendrons. Elle se présente devant son fils qui, sans la reconnaître, se rend compte de sa nature divine. Il l’interroge alors sur le pays où il vient d’échouer. Vénus le renseigne sur l’histoire de Carthage et de Didon, sa fondatrice. Énée raconte ensuite à Vénus son passé et le but de son aventure. Quand il reconnaît enfin sa mère, celle-ci disparaît aussitôt. Cet échange prend une bonne partie du texte du chant 1 de l’Énéide à savoir de la ligne 314 à la ligne 417.
Revenons sur la scène située en bas à droite que Vénus montre du doigt. Elle représente un aigle poursuivant 12 cygnes. Il s’agit d’une figuration des lignes 393 à 401 du texte. Dans cet épisode, Vénus montre à Énée un groupe de 12 cygnes qui s’envolent à l’arrivée d’un aigle et se dispersent. Mais, une fois le prédateur parti, ils se reposent et se remettent à chanter en signe de joie.
Vénus se sert de ces animaux comme analogie pour prophétiser à Énée que les navires qu’il avait précédemment perdus en mer sont de retour.
L’image est chargée de de symboles. En effet, le cygne, en plus d’être un animal réputé envoyer des présages aux marins, est consacré à Vénus. L’aigle est, quant à lui, le symbole de Jupiter. Le chiffre 12 n’est pas anodin : Quand Énée est parti de Troie, il avait 20 navires mais il n’en restait que 7 à l’arrivée à Carthage. Il a donc perdu 12 navires en mer. Ces douze cygnes représentent donc les navires retrouvés.
Cette gravure est une œuvre très riche et foisonnante, qui illustre ce texte qui a servi et qui sert encore de modèle à toutes les épopées.
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